Page:Leprince de Beaumont - Le Magasin des enfants, 1843.djvu/117

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
103
SEPTIÈME DIALOGUE.

MADEMOISELLE.

Et tout cela est fort bien pensé, ma chère demoiselle, Voyez-vous, mes enfants, nous aimons toutes à être estimées, louées, c’est-à-dire que nous sommes amoureuses de Belle-Gloire, ce qui est fort bien. Mais il faut bien nous mettre dans l’esprit ce que je vous ai déjà dit bien des fois, et ce que je vous répéterai encore : on ne nous estime que pour l’amour de notre vertu, et non pas pour notre argent, pour nos beaux habits ni pour nos titres. Travaillons donc à être vertueux, mes bons enfants : il n’y a que cela de nécessaire, et pour cette vie et pour l’autre. Allons, Hélène, dites-nous votre histoire.

HÉLÈNE.

Parmi les enfants de Sem, il y eut, longtemps après le déluge, un homme qu’on appelait Abraham. Il aimait beaucoup le bon Dieu, et Dieu l’aimait aussi beaucoup. Il vint demeurer dans un pays qu’on nommait Chanaan, avec Sara sa femme, et Loth son neveu. Dieu lui avait commandé de venir dans ce pays, et lui avait promis de le rendre père d’un grand peuple. Abraham, qui était fort vieux, n’avait point d’enfants ; mais cela ne l’empêcha pas de croire ce que le bon Dieu lui promettait, parce qu’il savait fort bien que Dieu pouvait tout. Abraham et son neveu Loth devinrent fort riches ; car ils avaient un grand nombre de bœufs, de moutons et de valets. Un jour, les valets d’Abraham et ceux de Loth eurent une grande dispute ensemble, et Abraham, qui savait qu’on fait un péché quand on querelle, dit à Loth : « Mon frère, je ne veux pas de disputes ; ainsi il faut nous séparer. Voilà deux pays, choisissez : j’irai demeurer dans celui dont vous ne voudrez pas. » Loth, au lieu de dire à Abraham : « Mon oncle, je ne veux point vous quitter, et je défendrai à mes domestiques de quereller les vôtres, » choisit le plus beau pays, et fut demeurer dans une ville qu’on appelait Sodome. Mais tous les gens qui demeuraient dans ce pays étaient bien méchants, et quand il venait des étrangers chez eux, ils les maltraitaient beaucoup ; toutefois ils ne firent point