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LE MAGASIN DES ENFANTS.

un royaume un homme sage ou habile, il lui disait : « Voulez-vous venir avec moi, je vous donnerai beaucoup d’or ? » Quand il fut bien instruit, et qu’il eut un grand nombre de gens habiles, il retourna dans son royaume, et les chargea d’instruire ses sujets, qui étaient très-pauvres et très-ignorants. Il fit bâtir de grandes villes et quantité de vaisseaux ; il faisait apprendre à travailler aux jeunes gens, nourrissait les pauvres malades et les vieillards, rendait lui-même la justice à ses peuples, en sorte qu’il les rendit honnêtes gens et heureux. Il passa deux ans dans ce travail, et au bout de ce temps, il dit à Sincère : « Croyez-vous que je sois bientôt digne de Vraie-Gloire ? — Il vous reste encore un grand ouvrage à faire, lui dit son gouverneur. Vous avez vaincu les vices de vos sujets, votre paresse, votre amour pour les plaisirs, mais vous êtes encore l’esclave de votre colère ; c’est le dernier ennemi qu’il faut combattre. » Charmant eut beaucoup de peine à se corriger de ce dernier défaut ; mais il était si amoureux de sa princesse, qu’il fit les plus grands efforts pour devenir doux et patient. Il y réussit ; et les trois ans étant passés, il se rendit dans la forêt où il avait vu la biche blanche. Il n’avait pas mené avec lui un grand équipage ; le seul Sincère l’accompagnait. Il rencontra bientôt Absolu dans un char superbe ; il avait fait peindre sur ce char les batailles qu’il avait gagnées, les villes qu’il avait prises ; et il faisait marcher devant lui plusieurs princes qu’il avait faits prisonniers, et qui étaient enchaînés comme des esclaves. Lorsqu’il aperçut Charmant, il se moqua de lui et de la conduite qu’il avait tenue. Dans le même moment, ils virent les palais des deux sœurs, qui n’étaient pas fort éloignés l’un de l’autre. Charmant prit le chemin du premier, et Absolu en fut charmé, parce que celle qu’il prenait pour sa princesse lui avait dit qu’elle n’y retournerait jamais. Mais à peine eut-il quitté Charmant, que la princesse Vraie-Gloire, mille fois plus belle, mais toujours aussi simplement vêtue que la première fois qu’il l’avait vue, vint au-devant de lui. « Venez, mon prince, lui dit-elle ; grâce à votre ami Sincère, qui vous a appris à me