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PLAISIRS RUSTIQUES

danser pendant six jours de suite. Mais ne me plains pas trop : il n’y avait pas là que des rougeauds et des pecques villageoises. Il y avait plusieurs demoiselles charmantes, jusqu’à des Parisiennes, entre autres la fille d’un des chefs d’institution conduisant des élèves à Bonaparte, Mlle  Hiolle, avec qui j’ai eu l’honneur de faire plusieurs contredanses.

Quant à mon retour, je ne suis pas encore bien fixé là-dessus. Je pense pourtant que l’époque n’en est pas bien éloignée. Il se pourrait donc parfaitement que, dans une quinzaine, j’aille revoir ce grand flandrin de Paris et te serrer la main, en personne.

En attendant, écris-moi le plus vite que tu pourras. As-tu vu Dolorès, le nouveau drame de Bouilhet ? Les journaux en disent assez de bien. Il y a, au second acte, une sérénade que Roqueplan, du Constitutionnel, cite en entier dans son feuilleton, et qui est charmante.

Mon père, que ses douleurs n’ont pas abandonné depuis notre arrivée, va un peu mieux, et tout nous fait espérer un prompt rétablissement.

Adieu, mon cher ami, excuse mon bavardage et réponds-moi bientôt.

Ton ami,
Paul Verlaine.

Chez M. Dujardin, à Lécluse, par Arleux (Nord).


Notre amitié lycéenne s’était fortifiée, et comme régularisée, par la mise en rapports de nos deux familles. Ma mère, fille de militaire, élevée à la Légion d’honneur, s’entendit fort bien avec Mme  Verlaine, femme d’officier, et mon père, dont le frère était officier aux zouaves, en Afrique, fut vite en bons termes avec le capitaine, qui, très préoccupé de ses placements assez mal engagés, demandait d’interminables appréciations sur les valeurs de Bourse. Après les visites, on échangea des invitations, et, par la suite, toutes les semaines, et à peu près régulièrement, le mercredi soir, jour de modestes réceptions hebdomadaires de ma mère, « les Verlaine » venaient