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ENFANCE

encore, noir, barbu, avec sa maigre tête ascétique, il évoquait assez bien un sorbonnien du xvie siècle. Il avait, d’ailleurs, pris le nom, pour ses publications classiques, d’un célèbre érudit de la Renaissance, « Tourne-bœuf » ou « Turnèbe ». Racine était son auteur favori, et il ne manquait pas de le citer à tout propos, souvent hors de propos. Naturellement, nous préférions les chevelus romantiques au tragique emperruqué, et nous scandalisions notre professeur racinien en approuvant ce blasphème d’Auguste Vacquerie, que, « dans la forêt de l’art, Shakespeare était un arbre et Racine un pieu ». Nous ne devions pas, par la suite, persister dans cette comparaison injuste, et l’analyste pénétrant de Bajazet, le psychologue subtil d’Andromaque, le physiologiste hardi de Phèdre, devait retrouver de notre part l’admiration qui lui est due.

Verlaine revint vite au respect racinien. Il fut disposé par la griserie délicate qu’il éprouva en respirant l’arôme des poésies de Mme Desbordes-Valmore, cette douce violette du champ de poésies, pour laquelle il eut toujours une admiration qui touchait au culte. C’était une adoration reposante, purifiante, presque un sentiment filial.

Notre classe comptait plus de cinquante élèves. J’ai retrouvé une liste des places obtenues, dans une composition en dissertation française, où, modestement, j’étais classé 6e et Verlaine 14e. On y voit figurer quelques noms, depuis connus : Richelot, devenu chirurgien renommé et chef de clinique dans les Hôpitaux de Paris ; Humbert, également chirurgien des hôpitaux ; Paul Stapfer, universitaire notoire ; Marius Sépet, publiciste religieux, biographe de Jeanne d’Arc ; Abel d’Avrecourt, poète et critique ; Albert Millaud, l’un des rédacteurs principaux du « Figaro », courriériste parlemen-