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PAUL VERLAINE

filial est un fruit qui a besoin d’une branche assez forte pour le porter.

Dans cette vénération, très légitime et très louable, pour son adorable mère, dont Verlaine a, par la suite, donné tant de preuves, surtout écrites, il y avait aussi de la ressouvenance littéraire. On sait quelle admiration, peut-être excessive, il exprimait pour Mme  Desbordes-Valmore. Ces vers de la douce Marceline, par exemple, durent souvent chanter le cantique filial à son oreille :


… Où prend donc sa voix une mère qui chante
Pour aider le sommeil à descendre au berceau ?
Dieu mit-il plus de grâce au souffle d’un ruisseau ?
Est-ce l’Éden qui pleure à son hymne touchante
Et fait sur l’oreiller de l’enfant qui s’endort
Poindre tous les soleils qui lui cachent la mort ?…
… Merci, Seigneur ! Merci de cette hymne profonde,
Qui pleure encore en moi dans les rires du monde,
Qui fait que je m’assieds à quelque coin rêveur
Pour entendre ma mère en écoutant mon cœur…


Ce parfum d’amour filial, dont il était tout imprégné, surtout à l’époque où il écrivit ses Confessions, eut bien quelques intermittences, et, par moments, s’évapora, mais pour bientôt reparaître, arôme persistant. Il arriva même que Verlaine fut un instant accusé, par un magistrat trop zélé, d’avoir voulu faire mourir sa mère… de chagrin peut-être ! Mais non autrement, certainement. En tous cas, s’il y eut violences, en paroles, à la suite de libations irritantes, la colère, encore moins la haine, ne furent jamais dans son cœur. Verlaine avait les sentiments affectueux les plus ardents à l’égard de la famille. Sa douleur, à la mort de son père, fut sincère et profonde. Il éprouva ensuite un chagrin très vif à la nouvelle de la perte de sa cousine Élisa. Cette jeune femme,