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ENFANCE

une sorte d’instinct animal, par habitude. Mais il raisonna alors son affection ; il comprit combien sa mère l’aimait, et de quelle tendresse il devait payer cet amour. Au naturel et presque, sinon tout à fait, inconscient attachement du petit pour sa mère, succéda dès lors l’amour filial humain et véritable. Plus que le rire de Rabelais, l’amour de l’enfant pour sa mère, subsistant et même se développant après l’allaitement et la becquée du premier âge, est le propre de l’homme.


Cet amour, a-t-il dit, est, selon le dicton des bonnes gens, dans le sang, raisonné, tout en restant pour la vie déraisonnable, reconnaissant, et plus et mieux que cela, conscient d’être à son tour capable de dévouement, et susceptible de sacrifice.

Ce sentiment, puissant et doux, et bon par excellence, ajoute-t-il, se manifesta tout d’abord par une soumission surprenante et au fond attendrie, jusqu’à en avoir une envie délicieuse de pleurer. Il n’y eut pas de tisane assez amère, de drogue trop dure pour me tirer, quand, offerte par maman, autre chose qu’un sourire, j’oserais dire de béatitude, et lorsqu’arriva la guérison, d’étreintes assez étroites, de baisers assez forts, puis assez tendres, et mouillés de quelques larmes brûlantes sur ses joues et sur ses mains, et rafraîchissantes, oh combien ! à mon pauvre cœur d’enfant, encore si pur alors, et, au fond, toutes les fois que je pense à ma mère, à mon pauvre cœur d’homme, malheureux par ma faute, et la faute de l’avoir eue toujours sous les yeux, même morte, surtout morte qu’elle est maintenant… Mais non ! elle vit, ma mère, dans mon âme, et je lui jure ici que son fils vit avec elle, pleure dans son sein, souffre pour elle, et n’eut jamais un instant, fût-ce dans les pires erreurs, plutôt faiblesses ! sans se sentir sous sa protection, reproches et encouragements toujours !… (Confessions, Ire partie.)


Voilà d’excellentes paroles. Peut-être Verlaine, écrivant à quarante ans de distance, a-t-il corsé la reconnaissance et l’amour qu’il pouvait éprouver, à huit ans, pour son excellente maman. Comme la douleur, l’amour