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comme revient cet exemple par les siècles rarement, notre contemporain affronta, dans toute l’épouvante, l’état du chanteur et du rêveur. La solitude, le froid, l’inélégance et la pénurie, qui sont des injures infligées, auxquelles leurs victoires auraient le droit de répondre par d’autres volontairement faites à soi-même — ici la poésie presque a suffi — d’ordinaire composent le sort qu’encourt l’enfant avec ingénue audace marchant en l’existence selon sa divinité. Soit, convint le beau mort, il faut ces offenses, mais ce sera jusqu’au bout, impudiquement et douloureusement.

Scandale du côté de qui ? de tous, par un sur soi répercuté, accepté, cherché : sa bravoure, il ne se cacha pas du destin, en harcelant, plutôt, par défi, les hésitations devenait ainsi la terrible probité. Nous vîmes cela, Messieurs, et en témoignons : cela, ou pieuse révolte, l’homme se montrant devant sa Mère quelle qu’elle soit et voilée, foule, inspiration, vie, le nu qu’elle a fait du poète, et cela consacre un cœur farouche, loyal, avec de la simplicité et tout imbu d’honneur.

Nous saluerons de cet hommage, Verlaine, dignement, votre dépouille.



DISCOURS DE M. JEAN MORÉAS


Messieurs,

Si je parle devant cette tombe, c’est comme un des plus anciens amis de Paul Verlaine, parmi ceux qu’on appelle les poètes de la nouvelle école. Mais laissons les écoles. Demain nous pouvons, nous devons reprendre nos querelles. Aujourd’hui, ici, il n’y a qu’une chose : il y a la poésie.

Or, Messieurs, des derniers classiques à Victor Hugo, de Victor Hugo à Leconte de Lisle, de Leconte de Lisle au plus jeune d’entre nous, comme de Villon à Ronsard, et de Ronsard à Malherbe et à Jean Racine, cette poésie, la poésie française, nous invite à pleurer la perte d’un de ses plus grands esprits.

Et certes, Messieurs, l’auteur de Sagesse, de Jadis et Naguère et d’Amour, doit être admiré comme un illustre poète, dans le sens absolu du mot. Mais, de plus, si les Muses chez nous doivent revenir au goût classique, on pourra, je pense,