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plus exquis — sont déjà de la musique. Et, dans cette inimitable poésie, il nous a dit toutes ses ardeurs, toutes ses fautes, tous ses remords, toutes ses tendresses, tous ses rêves, et nous a montré son âme si troublée, mais si ingénue.

De tels poèmes sont faits pour demeurer ; et, je l’atteste, les compagnons de la jeunesse de Paul Verlaine, qui tous ont pourtant donné dans leur art tout leur effort, renonceraient aux douceurs et aux vanités d’une carrière heureuse, et accepteraient les jours sans pain et les nuits sans gîte du « Pauvre Lélian », s’ils étaient certains, comme lui, de laisser à ce prix quelques pages durables, et de voir fleurir sur leur tombe l’immortel laurier.

L’œuvre de Paul Verlaine vivra. Quant à sa dépouille lamentable et meurtrie, nous ne pouvons, en pensant à elle, que nous associer aux touchantes prières de l’Église chrétienne que nous écoutions tout à l’heure, et qui demandent seulement pour les morts le repos, l’éternel repos.

Adieu, pauvre et glorieux poète, qui, pareil au feuillage, a plus souvent gémi que chanté ; adieu, malheureux ami que j’aimai toujours et qui ne m’as pas oublié. Dans ton agonie tu réclamais ma présence, et j’arrive trop tard devant ce muet cercueil, songeant que l’heure est peut-être proche, en effet, où je devrai obéir à ton appel. Mais ton âme et la mienne ont toujours cru en un séjour de paix et de lumière où nous serons tous pardonnés, purifiés, — car qui donc aurait l’hypocrisie de se proclamer innocent et pur ? — et c’est là, en plein idéal, que je te répondrai : me voici !



DISCOURS DE M. CATULLE MENDÈS


Paul Verlaine,

Au bord de la nuit, par ma voix, la douleur des frères de ta jeunesse te dit : Adieu, et leur admiration te dit : à jamais.

Tu passas en souffrant. Ton martyre est fini. Que ton dieu te donne ce que tu espéras de lui ! Mais, parmi nous, ta renommée demeure, impérissable. Car tu as bâti un monument qui ne ressemble à aucun autre. Par des escaliers de marbre légers, entre des chuchotements mélancoliques de lauriers-roses on monte vers une auguste chapelle blanche où des cierges ingénus rayonnent ! Et, comme c’est aux pauvres