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races, il faut placer au premier rang des mainteneurs de la patrie et de la race le groupe des littérateurs et des artistes. Il n’y a pas de groupe social qui proclame aussi haut que font ceux-ci la perpétuité de la personne humaine. Supposez, en effet, qu’un grand administrateur, qu’un fonctionnaire, qu’un industriel, qu’un soldat meure. C’est fini de leur existence personnelle. Leur effort, si utile qu’il ait pu être, est dispersé dans une œuvre anonyme. Ils ne laissent derrière eux que du silence et au cimetière peu de poussière. Quel point de repère fournissent-ils au Français qui veut se connaître soi-même, éclairer sa voie ?

Mais Verlaine, qui se relie à François Villon par tant de génies libres et charmants, nous aide à comprendre une des directions principales du type français.

Désormais sa pensée ne disparaîtra plus de l’ensemble des pensées, qui constituent l’héritage national. Et grâce à qui fut réalisée cette augmentation de l’idéal français ? Grâce aux jeunes gens.

C’est par notre constante propagande, par notre généreux amour, par notre clairvoyance active que l’œuvre de Paul Verlaine, repoussée par ses amis et ses émules — sauf par quelques-uns à qui l’opinion rend hommage — a triomphé d’obstacles que, vers 1880, on pouvait croire insurmontables. L’hommage unanime rendu aujourd’hui à cet illustre mort est l’écho multiplié des opinions des cénacles du quartier Latin.

Qu’on cesse donc de nous accuser de négation systématique. Nous sommes pour nos aînés le commencement de l’immortalité. Nous transportons dans notre barque les seules ombres de ceux que nous reconnaissons avoir été les bienfaiteurs de notre intelligence,



DISCOURS DE M. FRANÇOIS COPPÉE


Messieurs,

Saluons respectueusement la tombe d’un vrai poète, inclinons-nous sur le cercueil d’un enfant.

Nous avions à peine dépassé la vingtième année quand nous nous sommes connus, Paul Verlaine et moi, quand nous échangions nos premières confidences, quand nous lisions nos premiers vers. Je revois, en ce moment, nos deux fronts penchés