Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/548

Cette page a été validée par deux contributeurs.

yeux, comme lieu de repos, comme asile, comme maison de santé, lui semblait un lieu indigne pour mourir. Il m’en avait, à plusieurs reprises, témoigné l’effroi.

Quoiqu’il eût fréquenté nombre d’hôpitaux, où il était bien traité, où il rendait hommage aux égards des médecins, comme aux soins des infirmiers, quoiqu’il se trouvât « à l’hosteau » comme chez lui, mieux même qu’au café, il ne considérait ces établissements hospitaliers que comme des endroits de retraite momentanée et espacée, presque des maisons de villégiature, mais pour terminer sa vie, pour rendre son âme à Dieu, comme il le disait, il repoussait avec crainte, avec dégoût, le lit banal de l’Assistance publique.

Aussi, bien que cette Eugénie Krantz n’ait pas été pour lui la compagne digne, fidèle, dévouée, qu’elle aurait dû être, et qu’il aurait dû rencontrer, bien que personnellement je lui aie gardé quelque rancune de ne m’avoir pas averti en temps utile de la maladie de mon ami, — je lui sais gré, et je lui pardonne beaucoup, parce qu’elle a permis à Verlaine de mourir dans un lit qu’il pouvait considérer comme le sien, dans un lit dont il payait les draps. Il ne voulait pas de l’agonie quasi-théâtrale d’un Gilbert ou d’un Malfilâtre. L’hôpital n’était pas à ses yeux la désirable écurie où Pégase devait fatalement terminer sa course. La mort à l’hôpital ne l’humiliait pas, mais cette déchéance mortuaire, ignominieuse aux yeux de la bourgeoisie, lui apparaissait comme devant être évitée, si faire se pouvait. Ses derniers efforts tendirent à ne pas finir sa malheureuse existence dans un lit administratif. Quelle ironie des choses, dans cette destinée d’un grand poète, fils d’un père officier, d’une mère propriétaire, bien dotée, qui ne dut qu’au hasard d’une rencontre, devant le comptoir, avec une fille aux faveurs