nés, mais à l’occasion très crochus. Cette rustaude se nommait Esther. Elle lui extorquait tout l’argent qu’elle lui sentait posséder. Quand le gousset était à sec, elle déguerpissait. Sauf à revenir, dès qu’elle apprenait que Verlaine avait publié quelque volume, ou fait passer un article dans les journaux. Car Esther était informée de ces aubaines. Peut-être de jeunes amis, bien renseignés, des commensaux du poète, l’en instruisaient. Elle accourait à tire d’ailes, messagère des beaux jours. Elle repartait, dès l’argent tari. Ceci n’est point un attribut spécial des amours de Verlaine.
La maîtresse la plus connue du poète, celle qui fut en pied longtemps, et qui lui ferma les yeux, se nommait Eugénie Krantz. Elle aussi pressurait le malheureux porte-lyre. Mais elle le forçait à travailler. Cupide et prévoyante, elle savait que l’on pourrait, le lendemain d’un jour de labeur scriptural, échanger, chez le libraire ou à la caisse de tel journal, contre des écus, et parfois contre des louis, qui se monnayaient immédiatement chez le marchand de vins le plus proche, les lignes, inégales ou complètes, hâtivement tracées par Paul, qu’elle surveillait et aiguillonnait comme un bœuf au labour.
Les conférences en Belgique, en Hollande, ayant amené un bien-être inattendu dans le ménage, Eugénie Krantz fut alors d’une amabilité parfaite. Verlaine, épris de calme, redoutant les scènes, et ayant conservé un fonds de préjugés bourgeois, eut alors l’idée baroque, issue d’une réconciliation bachique après une querelle vive, d’épouser cette femme.
Il lui écrivit d’Angleterre :
Parles-tu sérieusement à propos de mariage ? Si oui, tu m’auras procuré le plus grand plaisir de ma vie ! Nous irons chez M. le Maire, quand tu voudras. C’est d’ailleurs le plus sûr