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pour les choses, mal vues en ce milieu sévère surtout, qu’on a su ne pas faire, — livres, paroles ou actes.

Verlaine, d’abord mécontent du conseil et de l’article, se rendit bien vite à ma raison. Il me remercia du bon avis, et renonça à son projet, qui, raisonnable en soi, semblait, au premier abord, une extravagante manifestation. Comme poète supérieur, comme écrivain original et puissant, Verlaine méritait assurément d’être académifié, mais il n’était pas académisable. On ne saurait trouver exorbitante l’ambition du poète de Sagesse et des Romances sans paroles, mais elle était à cette époque irréalisable. Il avait droit à l’Institut de par son génie. Sa vie bohème, ses écarts de conduite, la légende dont il était victime, voilà seulement ce qui rendait sa candidature impossible. Elle n’était ni absurde ni ridicule, elle semblait anormale. Par la suite, elle pouvait devenir possible, mais non certaine du succès.

Il convient de ne pas oublier que, Leconte de Lisle étant mort, chez M. et Mme Guillaume Beer, à Louveciennes, Verlaine avait été désigné, par le suffrage de nombreux poètes consultés, comme devant lui succéder dans le titre de « Prince des Poètes ». Celui qui était l’objet d’une libre élection aussi flatteuse, et aussi méritée, pouvait bien être considéré comme apte à briguer l’autre succession de Leconte de Lisle, le fauteuil d’académicien.

Une lettre écrite dans la dernière année, à propos d’un article de l’Écho de Paris, où j’avais fait allusion à cette candidature avortée, constate les sentiments peu désappointés du poète à cet égard. Il ne se plaint nullement, il ne récrimine pas, il me remercie seulement d’avoir parlé de lui, à propos de l’élection académique et du vote des poètes.