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fut donc bien traité, bien soigné ; il jouissait, même pour les malades, ignorant la qualité et l’importance littéraire de leur camarade de chambrée, d’une considération particulière. Il était au courant de toutes les traditions de l’hôpital, et on le voyait l’objet des égards des professeurs et de la sympathie des internes.

L’un des maîtres qui témoigna le plus de bienveillance et d’intérêt à Verlaine fut l’excellent docteur Tapret. Ceci ne surprendra personne, le docteur Tapret étant non seulement un de nos plus éminents praticiens, mais aussi un esprit lettré, un ami des arts, et un connaisseur en littérature, en peinture et en musique.

Le docteur Tapret n’est pas parvenu à guérir Verlaine, le rhumatisme articulaire est incurable, mais les soins du savant docteur, auquel moi-même je suis reconnaissant d’une guérison quasi miraculeuse d’accès de goutte, ont à ce point enrayé et atténué les progrès de l’arthritisme, que Verlaine n’est plus retourné à l’hôpital. Saint-Antoine fut sa dernière escale hospitalière et le docteur Tapret son dernier médecin. Sans les irrégularités et les excès de son existence, durant ses dernières années, Verlaine eût été sans doute définitivement affranchi de ces crises rhumatismales qui tourmentèrent son âge mûr.

L’hôpital fut pour Verlaine l’asile, le foyer, le refuge pour le travail, le port où s’abriter contre les naufrages de la débauche. En d’autres temps, le couvent a offert ainsi, à des esprits tourmentés et à des corps malades, une sûre et propice retraite. Ce fut le sanatorium moral et physique que le lit hospitalier pour le poète, que nous allons voir sombrer dans les tristes pérégrinations du Quartier latin. Malheureusement, durant ces six dernières années, son talent fut aussi du naufrage.