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PAUL VERLAINE

service qui refusaient d’accorder le piquet réglementaire pour les obsèques, sous le prétexte qu’elles avaient lieu le premier janvier. Il tint bon, et le capitaine Verlaine eut, à son convoi, les honneurs militaires dus à son grade, à ses décorations, et que son fils exigeait par respect pour sa mémoire. Lui, cependant, fut toujours insensible aux dignités, aux distinctions, et aux démonstrations honorifiques.

M. Verlaine père, que j’ai connu, était un grand vieillard, sec et droit, au visage maigre, tanné, parcheminé, avec courte moustache blanche, d’aspect généralement sévère, mais nullement grognon. Je ne l’ai jamais entendu rabâcher ses campagnes ni hâbler sur ses expéditions Il adorait son fils, tout en le traitant assez sévèrement, surtout en apparence. Ce père, au fond papa gâteau, se faisait croquemitaine exprès. Dans un pensionnat de la rue Chaptal, chez Landry, il venait tous les jours s’informer de sa santé, de ses progrès, et il lui apportait toujours quelque relief du dîner de la veille, mis en réserve à son intention, pour corser le menu assez maigre de la table de l’institution. Paul éprouva une profonde tristesse quand il perdit l’excellent homme. Je l’assistai et le consolai de mon mieux, faisant alors l’apprentissage d’un chagrin semblable qui devait m’atteindre trois ans plus tard. Un petit détail montrera l’intensité de l’affliction de ce bon fils : il était déjà grand fumeur, et pendant les deux jours de veille mortuaire, il ne voulut pas allumer une pipe ou une cigarette, il n’y songea même pas. Impressionnable et tout vibrant de douleur, il demeura de longues semaines accablé dans ce deuil.

Le capitaine Verlaine était né, en 1798, à Bertrix, et non à Paliseul, comme on l’a écrit. Bertrix faisait par-