Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/51

Cette page a été validée par deux contributeurs.
41
ENFANCE


On pense à toi, rien ne se perd.
Ici, des hauts pensers de gloire,
Et des revanches de l’histoire,
Et des sautes de la victoire,
Médite à l’ombre de Fabert.

Patiente, ma bonne ville,
Nous serons mille contre mille,
Non plus un contre cent, bientôt !…


Cette mâle poésie, ce salut énergique aux bataillons futurs, surgissant pour venger les défaites des armées disparues, et cet espoir persistant de la revanche placent Verlaine au premier rang des poètes patriotes.

Il tenait sans doute de l’hérédité et du milieu, ce fils d’officier élevé dans le voisinage du drapeau, ces idées martiales et ces aspirations belliqueuses. Il aimait et il admirait l’officier, son père. Il avait conservé le souvenir fier du bel uniforme paternel, et il se plaisait, par la suite, à en retracer les détails : « habit à la française au plastron de velours avec ses deux décorations d’Espagne et de France, Alger et Trocadéro, bicorne à plumes tricolores de capitaine adjudant-major, l’épée, le bien ajusté pantalon bleu foncé à bandes rouges et noires, à sous-pieds ! » Il mentionnait aussi, avec un vaniteux respect, en achevant le portrait du capitaine, « son port superbe d’homme de très haute taille, comme on n’en fait plus, » et son visage martial et doux, où néanmoins l’habitude du commandement n’avait pas laissé de mettre un pli d’autorité qui en imposait.

Au moment de la mort de son père, survenue un 31 décembre, bien que Verlaine fût alors républicain ardent et plein de respect pour Marat, Babeuf et les plus excessifs révolutionnaires, il surmonta sa douleur pour discuter, dans les bureaux de la place, avec les officiers de