qui ne lui déplaisait nullement, car elle appartenait à une famille de propriétaires ruraux, fermiers et betteraviers du Pas-de-Calais. Elle eût peut-être préféré vivre dans une petite ville et, comme plusieurs de ses parents, mener l’existence monotone et minutieuse de la province. Mais elle acceptait le village. Elle ne demandait, au fond, qu’à terminer ses jours dans une retraite calme, avec son fils auprès d’elle, tous deux vivotant grâce à la petite aisance qu’elle avait pu conserver.
S’éloigner de Paris, c’était déjà un grand bienfait. Elle craignait beaucoup pour son fils les tentations de la grande ville. Elle s’imaginait qu’il ne buvait que dans l’enceinte des fortifications. Aucune méfiance des cabarets villageois ne lui était venue, durant le premier séjour à Juniville. Lucien Létinois, rustre sobre et sournois, ne lui avait pas produit l’impression terrible d’un Arthur Rimbaud. La campagne, c’était la sobriété forcée, c’était la vie rangée subie, c’était la santé pour Paul. C’était surtout la rupture définitive d’avec la passé « orgiaque et mélancolique » de son saturnien de fils. Le retour à la vie normale, loin des cafés parisiens, mais c’était vraiment le rêve, l’idéal, le paradis, et son Paul allait redevenir le modèle des fils.
L’excellente femme ressentait de plus le charme d’une autre illusion sur la vie champêtre promise.
Elle avait en admiration le travail des champs, seul productif et positif à ses yeux. Sa famille avait trouvé dans la culture l’aisance bourgeoise ; sa dot de femme d’officier était issue des sillons et elle ne considérait pas comme sérieux le travail littéraire. Paul justifiait ce jugement. Il n’avait jamais apporté d’émoluments, depuis qu’il avait quitté son emploi de bureaucrate. Les quelques louis produits par les « Paris-Vivant » du Réveil