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cours fondé par un certain Michaëlis. La pièce fut classée ex-æquo deuxième. Quatre lauréats avaient été extraits de la cohue des concurrents attirés par le prix en espèces et la certitude d’être joué à Paris. Le Nouveau-Monde fut représenté, sans grand succès, au théâtre des Nations. La citation donnée par Verlaine prouve que Villiers possédait l’art de manier les foules sur la scène, don très rare, et que, depuis Shakespeare, Ibsen seul parut avoir.

À Stéphane Mallarmé, qui devait lui succéder comme prince des poètes, Verlaine dresse un piédestal triomphal. Mallarmé, professeur d’anglais peu connu, et qui faisait sa classe d’une façon intelligible, écrivait en prose très nettement. Il devenait obscur, souvent amphigourique, lorsqu’il alignait des vers. Il recherchait les ténèbres de la phrase, comme d’autres la clarté. Son maniérisme est toutefois séduisant, et son verbe sibyllin surprend et berce, comme un idiome musical qu’une femme étrangère murmure à votre oreille, qu’on devine, qu’on sent, qu’on écoute, et qu’on ne peut ni traduire, ni retenir. Il fut le praticien de cet Art poétique nouveau dont Verlaine avait formulé la théorie.

Desbordes-Valmore, que Verlaine cite plus qu’il n’étudie, et dont il ne sut pas éclaircir le mystère sentimental, avait toujours été choyée par lui, malgré son afféterie et son allure de chanteuse de romances pour salons Louis-Philippe. Il l’aimait surtout comme compatriote, comme congénère ; elle était née dans le Nord, et elle avait souffert par le cœur. Comme lui, elle avait mélodieusement noté sa douleur. Verlaine s’est consacré ensuite une notice à lui-même sous le nom de Pauvre Lelian, l’anagramme de Paul Verlaine. Le surnom lui est resté, et lui fut quelquefois attribué,