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pas sa valeur, car le dieu est toujours debout sur son piédestal intangible de poèmes, de romans, de théâtre, d’histoire et de critique, Verlaine en arrive à comparer les épopées de la Légende des Siècles aux romances moyen-âgeuses de Tennyson. Et il reprend une plaisanterie déjà produite par lui, qui consiste à proclamer que Victor Hugo est par-dessus tout l’auteur de l’Homme à la Carabine :


Gastibelza dépasse toute son œuvre. Il y a enfin là du cœur et des sanglots, et un cri formidable de jalousie, le tout exprimé magnifiquement dans un décor superbe. Trouvez-m’en un autre, de Gastibelza, dans tous ses volumes !


C’est la farce ici qui dépasse toute mesure. Verlaine, dans l’outrance de sa truculente et gouailleuse charge, montre le bout de l’oreille du mystificateur. Évidemment il a voulu se moquer de nous, et non de Hugo. Il a dû rire sous cape de la naïveté crédule des jeunes novateurs du quartier latin, qui déjà tenaient cour autour de lui, au café François Ier, et qui traitaient alors Hugo comme nous traitions, entre Parnassiens, Ponsard et Émile Augier. Ces jeunes gens sont devenus aujourd’hui des hommes faits. Beaucoup ont quitté la littérature symbolique pour l’épicerie ou l’administration, et ont assurément changé d’idées sur la préexcellence de Gastibelza. Ils doivent aujourd’hui penser, comme Verlaine sans doute l’estimait tout bas, que l’Homme à la carabine, malgré la musiquette de Monpou, accompagnée par les pianos de dames à crinolines, n’est pas de la taille d’Éviradnus, et que, comme poésie, l’Expiation, sans musique, est un peu au-dessus du Pas d’armes du roi Jean, même orchestré par Chabrier.

Cette démolition de la statue d’un grand homme,