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s’engagea, avec moi, le même jour et dans le même régiment, le 69e d’infanterie, au début de la guerre de 1870. C’était l’époque où Verlaine se maria. Viotti avec lequel, dans la rudesse des casernes, et au milieu de la dispersion des exercices, des chambrées, des marches, des gardes, des alertes, des corvées et des attentes prolongées, j’eus peu de rapports au régiment, car il avait été versé dans une compagnie autre, disparut à la sanglante fausse attaque de Hay (29 novembre 1870). J’ai cru savoir, — on a peu de nouvelles précises sur les disparus en temps de guerre, — que, blessé, il avait été fait prisonnier et transporté, d’ambulances en ambulances, à l’hôpital de Mayence, où il succomba.

Verlaine, dans ce court In memoriam, s’écrie, avec des accents de douleur rappelant les sanglots d’Achille apprenant la mort de Patrocle, envoyé par lui au combat :


Hélas ! ô délicatesse funeste, ô déplorable sacrifice sans exemple, ô moi imbécile de n’avoir pas compris à temps ! Quand vint l’horrible guerre dont la patrie faillit périr, tu t’engageas, tu mourus atrocement, glorieux enfant, à cause de moi qui ne valais pas une goutte de ton sang, et d’elle, et d’elle !…


Le drame intime et douloureux, que ces lignes de Verlaine semblent révéler, m’avait échappé, lorsque avec Viotti je me rendis à la rue Saint-Dominique, prendre la feuille de route qui nous dirigea sur Laval, dépôt de notre régiment. C’était lui qui m’avait fait choisir ce 69e, où il disait connaître un capitaine, que d’ailleurs nous ne trouvâmes point au dépôt : il nous avait devancés, avec les trois premiers bataillons, à Metz, et nous étions réservés au 13e corps et à la retraite fameuse de Vinoy. J’avais bien cru remarquer la mélancolie de