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depuis toujours ce désir. De nombreuses lettres en témoignent. Mais il faut reconnaître qu’il n’y avait guère eu de sa part que des velléités de labeur littéraire rémunérateur. Il savait très bien que les vers ne se vendaient pas, sauf de très rares exceptions. Il avait publié tous ses premiers volumes à ses frais. Il n’avait eu que des projets de travaux susceptibles d’être acceptés par des éditeurs, par des directeurs de journaux. Il n’avait pas, en réalité, le sens de la littérature courante, pratique, et pour ainsi dire commerciale. Ce dont il faut le louer. Comme on l’a dit d’Edgard Poe, avec lequel il eut plus d’un trait de ressemblance : « il écrivait trop au-dessus du vulgaire » pour être accueilli et rétribué dans les quotidiens. Je réussis cependant, comme on le verra plus tard, à lui faire prendre régulièrement « de la copie payée » dans un grand journal, le Réveil, où j’avais, il est vrai, la haute main. Cette collaboration fut exceptionnelle. Il ne publia jamais, même lorsqu’une notoriété légitime lui était venue, auréolée de la réclame de la misère et de l’hôpital, que dans des feuilles « à côté », revues juvéniles, brûlots d’écoles hardies, publications d’avant-garde à clientèle restreinte, à tirages infinitésimaux, distribuées plus souvent que vendues. Il était resté poète, rêveur, fantaisiste, et ne se pliait ni aux exigences des publications normales, ni au goût ambiant ; il ne songea, à aucune époque, à tirer parti de l’actualité, bien qu’elle se retrouve, comme contemporanéité, en plusieurs de ses œuvres, mais à distance et tardive. Il lui fut impossible de construire et d’écrire un roman de longue haleine. Il était dépourvu de cette imagination des faits indispensable au conteur. La composition d’un récit avec personnages, aventures, dramatisation, lui eût été impossible. Il ne pouvait pas davantage écrire un