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fourvoyé en imprimant ce livre, au genre inusité chez lui, qui tenait sur ses rayons la place des ouvrages de piété dont il avait la spécialité et le débit, se hâta de faire descendre à la cave tout le stock. Ensuite, pour débarrasser ses locaux, il vendit au soldeur la totalité de l’édition. Tout, ou à peu près, se fondit sous le pilon. L’éditeur Palmé se promit bien de ne plus éditer de vers, si emplis d’onction, si parfumés d’orthodoxie qu’on les lui affirmât. Il avait raison, ce négociant en paroissiens. Les dévotes n’achètent point de volumes de vers. Le clergé n’a pas le temps de lire, surtout depuis que la politique le préoccupe, et lui fait partager son temps entre la lecture des journaux et celle du bréviaire. Et puis, la poésie n’exhale-t-elle pas toujours un parfum profane, et Sagesse ne valait pas le Manuel ordinaire des cantiques, approuvé par l’archevêché.

L’éditeur Palmé s’était abusé, mais il était peu apte à lancer un livre de douce, pénétrante et profonde poésie comme celui-là. Il a dû se consoler depuis de l’insuccès initial, si l’un de ses commis eut l’idée, par hasard, de mettre de côté quelques exemplaires des bouquins, alors invendables. L’édition originale de Sagesse, dont il n’existe que quelques échantillons, volumes donnés à de rares amis, est très recherchée des bibliophiles. Vingt ou trente volumes sauvés du pilon eussent remboursé au pieux Palmé les frais de cette publication, jugée par lui malheureuse et maladroite.

L’édition originale de Sagesse est un volume oblong, format bâtard, se rapprochant de l’in-8o. Il comporte 106 pages seulement. Le caractère est assez gros, l’impression très nette, d’aspect ancien. La couverture jaune-grisâtre. Elle porte ces intitulés : À Paul Verlaine — Sagesse —, la marque de l’éditeur avec l’exergue : Susti-