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chant mordoré. Il a décrit, en de très beaux vers géorgiques, ses travaux et ses plaisirs champêtres, dans cette campagne ardennaise. Il voulait bien se mettre à la besogne, mais ses mains, qui tenaient la lyre, étaient inhabiles à manier la bêche. Il manquait d’expérience pour la direction des travaux, et le jeune Létinois, malgré une plus grande aptitude, était souvent retenu, détourné par lui de la besogne. On bavardait, on flânait. « Notre essai de culture eut une triste fin », a confessé le poète. Il mangeait de l’argent, comme on dit vulgairement, et la terre, rebelle à ceux qu’elle considère comme des intrus, ne rendait pas à ce citadin l’équivalent même de l’engrais et de l’or qu’il lui prodiguait. Le père Létinois laissait faire, approuvant, hochant la tête, ne disant ni oui ni non. Il guettait la déconfiture.

Verlaine dégoûté, perdant la tête devant certaines menaces, et intimidé par la réception de quelques papiers timbrés, peut-être au fond las de la culture, et désireux de recommencer, avec Lucien Létinois, les vagabondages d’antan en compagnie de Rimbaud, se résolut à déguerpir. Il décida Lucien à le suivre. Un beau matin, la ferme se trouva vide de ses habitants. Le père Létinois, pour garder la propriété, qui, légalement d’après les actes notariés, était la sienne, bien qu’il n’eût pas déboursé un sou de ce chef, vint s’installer à Juniville. Plus tard, il vendit la ferme, à son profit naturellement.

En quittant Juniville, Verlaine s’en fut, avec son jeune compagnon, vers le but comme traditionnel de ses déplacements à la suite d’incidents, de ruptures ou de mésaventures. C’est à Londres que les deux amis allèrent oublier les mécomptes de la culture et les médisances du village, car l’intimité, nullement cachée d’ailleurs, du