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sans, des admirateurs, des apôtres, des séides, ont manifesté des sentiments affectueux, que la calomnie travestissait, et dont la légende médisante crédule a vite fait de pervertir le sens. Socrate a été accusé de débaucher les jeunes gens qui se pressaient autour de lui, avides de recueillir ses doctes paroles et de savourer le miel de sa sagesse. Les premiers chrétiens, à commencer par Jésus et ses disciples, les philosophes, à toutes les époques, les réformateurs, et jusqu’aux Saint-Simoniens de 1840, avec le Père Enfantin, dans la thébaïde de Ménilmontant, ne faisaient-ils pas montre d’une amitié bien chaleureuse pour quelques-uns de leurs adeptes ? Verlaine, qui, surtout dans ses dernières années, avait la manie innocente, à de certaines heures d’expansions, d’ailleurs très publiques, nullement derrière des persiennes abri des luxures secrètes, mais sur des banquettes de café, d’invoquer paternellement ses jeunes amis, comme Maurice du Plessys, Anatole Baju, Cazals, ne devait pas échapper aux soupçons de la malignité. Ces accusations, renouvelées de l’antique, n’allèrent pas cependant jusqu’à lui faire boire la ciguë. Il se contenta de hausser les épaules et de vider son verre d’absinthe, en compagnie de ribaudes de son choix, peu favorisées par la beauté, mais complaisantes et joyeuses, les Esther, les Philomène, les Eugénie.

Verlaine se prit donc d’amitié pour un de ses élèves, Lucien Létinois. C’était le fils d’un cultivateur, né à Coulommes, arrondissement de Vouziers, Ardennes, le 27 février 1860. Un grand garçon pâle, mince, maigriot, dégingandé, à l’air sournois et naïf ; un rustre dégrossi, prétentieux légèrement et sentimental assez. Un berger d’opéra-comique. Colas à la ville. Son père.