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Dame sur le pied d’une intimité très agréable. Il a toujours conservé le meilleur souvenir de son séjour dans la pieuse et savante maison.

Le Directeur et les prêtres du Collège de Rethel ne savaient rien du passé de Verlaine. Il avait tu ses antécédents, plutôt inquiétants, de la Commune et de Bruxelles. On supposait, à certaines paroles qu’il avait dites sur ses voyages, sur son séjour dans les départements du Nord, et à sa culture littéraire, dont malgré lui il donnait des preuves sérieuses, qu’il avait occupé une situation meilleure, et que des revers de fortune l’avaient obligé à se mettre dans le professorat. On ne pouvait se douter que ce collège, à allure de couvent, abritait l’un des plus grands poètes de l’époque, en même temps qu’un irrégulier aux extravagances parfois excessives. Sa ponctualité aux classes comme aux offices, la façon grave dont il faisait sa classe, sa tenue édifiante et sa régularité dans les pratiques religieuses, ne permettaient pas d’imaginer le Verlaine procédant de Villon. Malgré les sentiments pieux dont il donnait de quotidiens témoignages, nul parmi ces ecclésiastiques simples ne devait soupçonner en lui l’auteur de magnifiques cantiques laïques, le seul poète religieux moderne.

Dans plusieurs lettres de cette époque, Verlaine me faisait l’éloge de ses collègues et me vantait le charme et la paix de cette retraite, presque conventuelle. Il me certifiait que nul, à Notre-Dame de Rethel, ne pouvait imaginer qu’entre ses classes et les offices il rimât des vers, dont tous n’étaient pas assurément orthodoxes. Il goûtait, en même temps, une neuve et secrète jouissance : celle d’être ignoré. C’est une joie de haut goût. Elle n’est accordée qu’à un petit nombre d’êtres. Le « nesciri » est aussi délicieux, plus intense, et plus âcre