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il pût être logé, nourri, gardé, et où il enseignerait ce qu’il savait : langue française, latin, anglais. Il avait connu de ces « boarding-schools » en Angleterre. C’est là qu’il chercherait. De l’autre côté du détroit était l’oubli, la tranquillité, le labeur paisible, l’existence assurée avec l’honorabilité.

Il avait acquis quelques notions pratiques, durant ses essais de vie anglaise, avant l’incident de Bruxelles. Il savait quel rôle important joue l’annonce dans tout ce qui a rapport au « business », chez nos voisins. Il n’hésita pas à adresser à deux ou trois journaux, par l’entremise d’un courtier qu’il avait connu auparavant, M. E. Rolland, office de Publicité, Great Windmill street, un avis suffisamment éloquent, où il s’offrait comme professeur « au pair », c’est-à-dire avec échange de leçons de français et de littérature contre logement et nourriture. Il lui fallait se perfectionner dans la langue anglaise. De là ses prétentions modestes.

La réponse ne se fit pas attendre. La lettre suivante, datée du 10 avril, m’apprit son séjour en Angleterre et son nouvel état :


Stickney, jeudi 10 avril.
Cher Ami,

Me voici professeur, au pair, dans un village anglais. Personne autour de moi qui parle un mot de français, un traître mot. J’enseigne le français, le latin… et le dessin ! Je me tire assez bien de ces trois besognes. Et j’enseigne en anglais, ce qu’il y a de plus fort. Quel anglais ! mais depuis huit jours que je suis ici, j’improve. [je fais des progrès].

Vie en famille. M. Andrews est un jeune homme qui lit le français comme je lis l’anglais, mais qui ne le parle pas… Zuze ! Du reste, charmant, cordial, très instruit. Mes élèves sont des enfants très bien élevés et assidus, qui m’apprennent l’anglais comme je leur apprends le français, et c’est ce que je cherche précisément. Combien de temps resterai-je ici ? trois