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l’erreur des juges et en corrigeant leur excès de pénalité. Il faut cependant reconnaître, à sa décharge, que nulle demande autorisée ne lui vint de France à cet égard. À part Blémont et moi, nul ne sollicita cette grâce parmi les anciens amis de Verlaine. Et il y en avait de très influents déjà à cette époque ; qu’on me dispense de les nommer; presque tous ces phares littéraires, dont l’amitié fut à éclipses, ont depuis rayonné sur la gloire de Verlaine, et ont revendiqué l’honneur de projeter leurs feux sur sa tombe.

Il fit donc, comme le pire criminel, sa prison jusqu’au bout. Il ne sortit de son sépulcre administratif que le 16 janvier 1875.

Sa mère avait fait le voyage de Mons. Elle l’attendait à la porte de la geôle. Ainsi guettent l’ouverture des guichets les épouses fidèles et les dévouées amantes des voleurs libérés et des assassins graciés. Il fut reconduit à la frontière française, escorté par la police, étant l’objet d’un décret spécial d’expulsion.

Mme  Verlaine mère l’emmena dans sa famille, à Arras et à Fampoux, pour rétablir sa santé et reprendre contact avec la société. On contracte malheureusement souvent, en prison, des infirmités physiques dont on souffre, et des maladies morales dont on meurt. On peut affirmer que l’emprisonnement, s’il a modifié le tempérament poétique de Verlaine, a changé aussi son caractère, l’a placé pour ainsi dire en dehors de la société, et l’a prédisposé aux entraînements excessifs et aux bizarreries de toute nature, qui vont troubler son existence et aussi son talent, durant cette troisième phase de sa vie glorieuse et misérable.