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la mémoire, tout un stock d’épithètes bénites et d’adjectifs oints. Il possédait, par suite de ses lectures lamartiniennes, un vocabulaire tout prêt pour rendre les élans dévotieux. Dans sa conversion, il vit, non seulement une remise à neuf de son âme, mais aussi un ravalement de toutes les façades poétiques, salies, empoussiérées, par le frottement, l’usage et le temps, que lui et les autres poètes avaient coutume d’édifier et d’aligner, selon des plans et des données presque invariables. Le Parnasse avait été païen, oriental, colonial, scandinave, invoquant toutes les divinités sorties de l’imagination et de la terreur des hommes, Baghavat, Yaveh, Kronos, Isis, Teutatès, Odin ; le seul Jésus et sa légende avaient été dédaignés. Verlaine estima que, sans entreprendre de chanter la cosmogonie chrétienne, il y avait, dans le sentiment catholique, dans la préciosité et la délicatesse de l’adoration de Jésus et de la Vierge Marie, comme un renouveau de poésie à chercher, à trouver, à traduire. Il interpréta donc les onctions du catéchisme de Mgr Gaume, et les nota sur des airs inspirés de Desbordes-Valmore. Et ce fut ainsi que la plupart des vers de Sagesse furent médités, rimés et recopiés. Un grand nombre de pièces figurant dans ce délicieux et pénétrant recueil me parvinrent, manuscrites, toujours sur ce papier commun, bleuté ou blanc sale, que fournissait la cantine, avec la tache grasse au centre du timbre du greffe.

Quand la conversion de Verlaine se produisit, ses lettres devinrent plus rares, soit qu’il craignît raillerie de ma part, soit qu’il éprouvât quelque embarras à noter ces sentiments si nouveaux chez lui.

Une lettre qu’il m’écrivait, contenant des détails sur son état d’âme et des analysées de ses aspirations reli-