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posé improbable, sinon impossible. Ce nouveau heurt décida le changement, imposa la conversion.

Dans son livre Mes Prisons, Verlaine a décrit avec minutie l’ameublement cellulaire, exposé le régime de la maison, narré les exercices, et donné une physionomie de lui-même, portant le triste uniforme pénitentiaire. Il a tracé la silhouette du directeur, qu’il qualifie « d’homme charmant ». Il n’oublie pas un détail. Il parle même d’un petit crucifix de cuivre « avec qui il devait plus tard faire connaissance ». À ces premiers moments d’incarcération, aucune prière oubliée ne vient se rappeler à la mémoire du prisonnier. Ses lèvres d’homme, accoutumées à la pleine liberté, voire à la licence et au blasphème, ne retrouvent plus les syllabes enfantines des anciens pater et des primes ave. Il lit, car on lui fournit des livres, et ce sont tous ouvrages profanes qu’il demande. Il ne souffle pas mot de l’aumônier. C’est pour lui, à cette époque de sa pénalité, un fonctionnaire négligeable, alors qu’il a un mot aimable pour ses gardiens. Il n’a rien à redouter ni à attendre de cet agent de la divinité. Il ne lui demande ni faveur, ni intervention. Comme sa visite n’est pas obligatoire, il l’évite. Il semble même ne pas soupçonner sa présence dans la prison.

Mais voilà qu’un matin, la porte de sa cellule s’entr’ouvre, et le directeur, bonhomme, paraît. Il semble attristé d’avoir à faire une communication pénible à son prisonnier. Il s’exprime en termes sympathiques, sur un ton de condoléance, avec les ménagements d’usage dans la société quand on doit faire part d’une fâcheuse nouvelle.

— Mon pauvre ami, dit-il au détenu, se levant sur son grabat, avec un peu de l’effarement du condamné à