cœur aux lèvres. Il s’adoucissait, ne jurait plus, et ne mélangeait plus, selon son habitude, le nom du Seigneur à l’exclamation de Cambronne. Il rougissait de son passé, il se reprochait tout ce qu’il avait pu commettre de blâmable, d’excessif, de ridicule et de choquant. Il ne s’irritait plus que contre lui-même, au souvenir de ses erreurs et de ses torts. Dans la tranquillité de la cellule, il procédait à un strict et rigoureux examen de conscience. Il se trouvait comme placé en face d’un miroir, dans sa solitude, où venaient se refléter tour à tour les événements divers de son existence et les images des personnes qui s’y étaient mêlées. Il revivait sa vie, et poussait ce superbe cri désespéré, où il se demande avec angoisse « ce qu’il avait fait de sa jeunesse ». Il se trouvait alors découragé, subissant une violente dépression morale, à bout d’énergie, purgé d’orgueil ; se débattant au milieu de l’océan : des souvenirs, des regrets, des irritations, des désespérances, il cherchait une bouée à happer, une corde à saisir, une barque où se cramponner.
Alors, dans cet accablement, au fond d’une des cellules de son cerveau troublé, se réveilla une sensation, une pensée, depuis bien longtemps endormie : l’idée religieuse. La conception d’un secours venu d’au delà se formula dans sa conscience désemparée, et comme machinalement, ataviquement, les moins dévots, en un moment critique, s’écrient « Mon Dieu ! », comme des naufragés affolés, comme tant d’incrédules au lit de mort, il invoqua le Seigneur. La conversion allait venir.
Cette conversion fut-elle profonde et véridique ? Je ne le crois pas. Ce fut comme un acte impulsif. Le sentiment y eut toute part. La raison point. Je ne veux pas dire que Verlaine fût un Tartuffe et simulât la dévotion.