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claironnant ses amours. Mais déjà la Bonne Chanson indiquait une transition, et préparait une mue, une évolution. La nature ne supporte pas de bonds. Dans une formation d’âme, il n’y a ni interruption, ni brisures, ni lacunes, et tout fatalement s’enchaîne et se relie.

Les Romances sans paroles sont enchaînées à la Bonne Chanson et la transition est visible. C’est le troisième état d’âme qui se manifeste, avec des changements matériels, des perturbations d’existence violents : c’est le Siège, avec l’habitude des stations aux endroits où l’on boit, la Commune et ses outrances terribles, les craintes de poursuites, l’abandon de l’emploi régulier, les journées d’oisiveté, la rencontre d’Arthur Rimbaud, la domination subie de ce gamin énergique, intéressant, impérieux, à la poétique désordonnée et expressive, qui trouve et donne une couleur aux voyelles. Puis c’est la fuite du domicile conjugal, la rupture avec les obligations de la famille, de la vie indépendante, voyageuse, bientôt bohème. Alors la poésie est entraînée dans cette révolution désorbitée. Les Romances sans paroles affirment une révolution cérébrale. Ce n’est plus le poète des Fêtes Galantes qui décrit l’imagerie populaire ou trace les nets contours des « briques et tuiles » des paysages belges. La séparation, et le procès qui s’entame, achèvent de modifier tout, dans la vie comme dans les pensées du lyrique. C’est un déménagement d’idées, de sentiments, de vouloirs et de désirs. À ce changement de vie, il veut faire correspondre un changement dans sa manière d’écrire. Il a une existence neuve. Il rêve une poétique nouvelle.

Ce n’est pas la prison qui lui a suggéré le goût d’une formule rythmique rajeunie, d’une recherche de coupe et d’expressions versifiées, qui fussent comme une méthode