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PAUL VERLAINE

à ses plaisanteries habituelles sur ce sujet, il protestait avec indignation. Une de ses lettres, lors de son procès en séparation de corps, où il me consultait sur la démonstrative conclusion d’une expertise médicale qu’il voulait, d’accord avec Rimbaud, solliciter, en est la preuve. Je suis porté à croire que tout ce dévergondage fut purement cérébral. Il s’y mêla de la mystification. Il voulut supposés ses contemporains en se dotant de vices imaginaires, en se barbouillant d’impuretés exceptionnelles, qui n’existaient que dans son imagination.

J’ai cité, parmi ses éducateurs littéraires, les pédagogues choisis spontanément de l’instruction première, Pétrus Borel, Barbey d’Aurevilly, Baudelaire. Leurs excentricités pompeusement formulées, leurs farces graves, leurs outrancières appréciations de vérités reçues et leur façon pédantesque de bafouer la morale courante, eurent beaucoup de prise sur son jugement. Bonhomet, le fantastique et monstrueux Prudhomme, a dû nombre de ses étranges propos aux entretiens noctambules de Verlaine et de Villiers de l’Isle-Adam. Ces fantaisistes exubérants n’avaient pas, entre autres indulgences inattendues, les indignations et le dégoût du commun des hommes pour ces débauches inverties si fréquentes, si publiquement vantées dans l’antiquité. La tranquillité avec laquelle beaucoup d’hommes de lettres de ce temps et de cette école s’exprimaient sur le vice classique pouvait faire croire à une expérience consommée. On présumait la pratique d’après l’usage de la théorie. La complaisance écrite et parlée de Verlaine, et de quelques-uns de ses amis, pour les amours anormales des deux sexes a pu donner créance à des suppositions, à des présomptions. On a tôt fait de bâcler une réputation. Aucune