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seulement reçu une lettre d’elle depuis ce temps. Je lui ai écrit dimanche dernier et j’attends encore sa réponse.

Dans l’état de tristesse et d’anxiété où je la sais, seule comme elle est, et avec le caractère inquiet qu’elle a, le moindre retard dans une lettre me rend inquiet à mon tour. Je me forge mille idées noires qui augmentent encore le chagrin de ma déplorable situation.

Du reste, d’un moment à l’autre, une lettre peut m’être remise, mais que ça ne t’empêche pas d’écouter ma prière : c’est une si grande joie, une lettre pour un malheureux détenu. Tu me la feras la plus longue possible, et la plus lisible qu’il te sera possible, non pour moi qui suis habitué à tes pattes de mouche, mais pour le greffe, et afin d’éviter tout retard.

Parle-moi un peu de Paris, des camarades, et si tu as des nouvelles de la rue Nicolet. Des journaux de Paris auraient-ils par hasard parlé de cette malheureuse affaire ? Victor Hugo est-il à Paris ? Veuille m’envoyer son adresse. [Le grand poète intervint, mais sans succès, pour obtenir une remise de peine.]

Ma mère a dû te dire toute l’importance que j’attache à la prompte impression et publication de mon petit livre. [Les Romances sans paroles.]

J’ai mille projets littéraires, de théâtre surtout, car j’entends, dès ma sortie, me remuer jusqu’à ce que je gagne sérieusement de l’argent avec ma plume. Plus tard, je t’en écrirai plus longuement.

Je ne sais quand je dois sortir d’ici. Ça peut être d’un moment à l’autre. C’est pourquoi écris-moi bien vite.

Je prie Laure [ma sœur, Mme Alphonse Humbert] d’aller le plus souvent possible voir ma mère, et je la remercie de l’intérêt qu’elle prend à sa situation et à la mienne.

Mon ennui, surtout depuis une quinzaine, est atroce, et ma santé n’est pas fameuse. J’ai parfois des maux de tête épouvantables, et je suis plus nerveux que jamais. Ne dis rien de tout cela à ma mère, je t’en prie, et si tu la vois avant que je ne lui aie écrit, dis-lui que tu as reçu de mes nouvelles et que ma santé est bonne.

Amitiés à Blémont et Valade. Je te serre la main cordialement.

Paul Verlaine.