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C’était la lutte avec le gouvernement d’alors. La ville la plus proche et la plus propice était Sens, à l’extrémité de l’Yonne, à deux heures et demie de Paris, sur la ligne de Lyon, où presque tous les trains rapides s’arrêtaient. Sens fut choisi. J’allai m’y installer, pour diriger la rédaction et surveiller la confection du journal. Nous installâmes dans cette cité archiépiscopale, alors très peu républicaine, nos casiers typographiques, nos bureaux de rédaction, et en utilisant le matériel d’un imprimeur local, Maurice Lhermitte, qui publiait un journal régional, le Courrier de l’Yonne, nous parvînmes à faire paraître notre feuille, qui devait d’ailleurs succomber par la suite sous les procès et les amendes.

Je trouvai, dans notre imprimerie sénonaise, quelques caractères d’italiques qui me parurent suffisamment élégants pour l’impression du volume de Verlaine. Je fis acheter du papier Whatman, et, après avoir surveillé la composition, la correction, je pus envoyer au poète en sa cellule un spécimen, indiquant le format, le caractère, la disposition typographique. Cet échantillon lui plut ; il me le fit savoir par une lettre qu’on trouvera plus loin.

Le volume fut tiré à peu d’exemplaires, cinq cents, je crois, et ne fut pas mis dans le commerce. Je remis, à diverses reprises, un certain nombre de volumes à Mme  Verlaine mère, j’expédiai les envois que Paul Verlaine avait indiqués, je fis un service aux journaux très complet. Pas un ne cita même le titre du livre. J’avais conservé quelques exemplaires, devenus très rares, et considérés comme des curiosités bibliographiques : j’en ai fait, par la suite, la distribution à des amis de Verlaine, à des écrivains qui, comme M. Henry Baüer, ignoraient le poète, méprisaient l’homme, et que la lecture de ce petit volume impressionna et changea en admi-