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baud. Il n’avait qu’à lui signifier qu’il avait assez de cette vie en commun, laissant prise aux calomnies, et fournissant des arguments dans le procès en séparation que lui intentait sa femme.

Rimbaud retournerait chez sa mère à Charleville, comme cela lui était déjà arrivé, quand il avait cru posséder suffisamment l’anglais, et lui, Verlaine, irait où il avait l’intention d’aller, c’est-à-dire à Bruxelles.

Pourquoi Verlaine prenait-il cette décision, assez inattendue et ressemblant fort à un coup de tête, de cesser toute cohabitation avec Rimbaud, de se séparer de lui, probablement d’une façon définitive, et de quitter Londres, où il trouvait des leçons à donner, pour retourner en Belgique, où il n’avait nulle occupation assurée, où il ne pouvait que dépenser de l’argent ?

Il ne gagnait rien depuis près de deux ans. Il vivait donc de ses rentes, et comme elles étaient insuffisantes, il consommait son capital, déjà ébréché par toutes les sommes que lui envoyait sa mère.

Quand on se reporte à la détresse légendaire de Verlaine par la suite, il faut songer que, si sa petite fortune était suffisante pour l’aider à subsister, avec un emploi, avec des gains réguliers s’ajoutant à ses revenus, elle ne pouvait lui permettre de vivre en rentier, et en faisant de continuels voyages. Pendant l’année 1871, 1872 et en 1873, jusqu’au mois de juillet, Verlaine, en Belgique, dans les Ardennes, en Angleterre, faisait double dépense, Rimbaud étant sans argent, et, s’ils menaient tous deux un train relativement modeste, ils ne se privaient nullement aux tavernes, bars et cabarets, dont ils étaient les hôtes assidus. Pendant ces deux ans et demi, Verlaine a certainement dépensé trente mille francs de son capital. La réflexion lui était venue, dans une