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PAUL VERLAINE

toujours contre les tentations de la cupidité, contre les entraînements de la misère. Il chercha sans doute, par la suite, à monnayer l’or pur de ses vers, et il pratiqua, vis-à-vis de certains amis aisés, la « dédicace », comme le firent sans honte, à l’adresse des grands seigneurs, les plus renommés écrivains du siècle de Louis XIV. Mais on peut fouiller sa vie au microscope : on y reconnaîtra des fautes, des folies, des faiblesses, bien des souffrances aussi, avec de la fatalité au fond, pas de honte véritable, pas une vile et indigne action. Les vrais amis du poète peuvent donc revendiquer pour lui l’épithète d’honnête homme, sans doute très vulgaire, mais qui, aux yeux de certains, a encore du prix. Comme s’est exprimé Léon Cladel sur la tombe d’Albert Glatigny, on peut accoler l’autre épithète, dont il était également digne, celle de grand artiste. La légende ne saurait le comparer à un brigand, celui-ci eût-il eu, comme lui, du génie, et rénové aussi la poésie de son siècle !

Verlaine n’a jamais évité la corde, comme l’écolier-bandit auquel on associe sa mémoire. Villon n’échappa au bourreau que par la grâce de Louis XI, passant d’aventure à Meung. Verlaine n’encourut les sévérités de la justice qu’à la suite d’une accidentelle et peu criminelle aventure. S’il dut s’asseoir sur la sellette des accusés, ce fut à l’étranger, à une époque peu favorable. Ses allures indépendantes, sa qualité de français, voyageur fantaisiste, n’exerçant pas une profession régulière, patentée, — il déclara, au poste de police de Bruxelles, être « poète lyrique de son état » — et, de plus, une note au dossier venu de Paris le représentant comme un républicain dangereux, ayant servi la Commune, tout cela indisposa contre lui le jury brabançon. Il subit une sévère condamnation : plusieurs années de détention.