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où l’amertume domine, mais qui cependant indiquaient plus de calme et une reprise d’énergie :


Mon cher ami.

Merci bien de ta cordiale lettre. Mon mieux continue, bien que ma santé soit toujours très précaire, au point que je crains — dirai-je que je crains ou que j’espère ? — ne vivre plus bien longtemps.

D’ailleurs, on m’a cassé ma vie par mille cochonneries perfides et grossières, et sans être positivement une sensitive, tout ça m’a tué par degré. Aussi ai-je, à présent qu’on m’a bien abreuvé, que j’ai tout tenté pour guérir ma malheureuse femme de sa folie, — sinon la sérénité, du moins la résignation d’un juste. Je ferai donc le procès puisqu’on m’y accule, je poursuivrai l’action en référé (occupe-t’en dès que tu pourras) — et, en attendant, je travaillerai mordicus ! Je n’attends que les Fêtes Galantes pour livrer mon petit bouquin à l’impression. Veuille me les envoyer au plus vite.

Quel que soit mon désir d’apprendre l’anglais, et bien que Paris me répugne immensément, je suivrais ton conseil d’y retourner, si je n’avais la certitude que j’y courrais les plus grands risques. Outre les « attentions » officieuses des gens de la rue Nicolet, j’ai les preuves qu’on poursuit, de par l’autorité militaire, tout ce qu’a épargné la justice civile. Je les tiens, ces preuves, d’un employé (ancien) de mairie, qui n’a échappé que par sa fuite, ici, à un mandat d’amener contre tous ceux qui sont restés.

De plus, et ceci pour ta gouverne, il se pourrait très bien que les troubades revinssent sur les jugements civils. La mort du grand homme [Thiers] crie vengeance, et les Gaveaux restant [le commandant Gaveau, qui requit devant les conseils de guerre] tiennent à honorer ses mânes en tapant sur le tas encore pas emprisonné des communards. Ceci est également très sérieux, et je te colle ce renseignement à titre de remerciement de tes conseils, qui sont excellents d’ailleurs, et que je me propose de suivre dès que prudence m’y autorisera.

Écris-moi toujours à la même adresse, et crois-moi bien

Ton dévoué vieux
P. V.

— À propos, — pourquoi diable, au Rappel, écrit-on tou-