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rante amitié pour Rimbaud, et je n’ajouterai pas très pure, fi donc ! D’ailleurs, tu en auras connaissance au premier jour, et m’en écriras ton avis, puisque tu veux bien m’offrir tes bons offices que j’accepte de tout cœur.

Je vais m’occuper de récupérer mes hardes et bibelots qu’ils persistent à me détenir, malgré une demande officieuse que je leur avais envoyée sous la forme d’une lettre, très affectueuse, à ma femme.

Il va sans dire que si des amis continuent à hésiter, et surtout si l’on sait de quoi il s’agit dans l’assignation, je t’autorise à répéter tout ce que je dis là, et au besoin à leur montrer mes lettres, — à moins que tu ne croies meilleur de garder le silence.

J’ai reçu une bonne lettre de Blémont et de Victor Hugo, à qui j’avais écrit avant de connaître l’assignation. Faut-il sur la matière leur écrire maintenant ?

Pardon de t’occuper si longtemps de mes affaires. Je reprends maintenant mes détails londoniens.

Croquis londoniens. — J’arrive aux Dimanches à Londres, qui sont véritablement la fête du Bon Dieu : juges-en !

Jusqu’à une heure de relevée, tout fermé, tout ! De une heure à trois de très rares public-houses et dining-rooms entrebâillent, sous la réserve des courroies formidables dont je t’ai parlé déjà, et sous l’œil du policeman, qui, montre en main, surveille l’ouverture et la fermeture. De six heures à onze heures du soir, même jeu. En dehors de ces établissements, tout chôme, jusqu’aux décrotteurs indépendants, dont l’un, qui cirait mes bottines, s’est vu, ce dernier « sunday », véhémentement réprimandé par un « serpent » qui passait. J’ai dit décrotteurs indépendants, parce que les gosses rouges, que je t’ai dénoncés déjà, sont exploités par une société de charité, qui, bien entendu, leur fait passer le jour du « Lord » à adorer ce dernier. Tout chôme : postes, chemins de fer, entre l’heure des offices, paquebots maritimes, toutes les administrations sont mortes, sauf le télégraphe et les bateaux desservant la Tamise. Entre parenthèse, on y boit, dans ces bateaux, en dehors des laps légaux ; que de pochards, ce jour-là, arpentent Londres, de Woolwich à Battersea ! Mais pour manger, « il est midi sonné ». Nul théâtre, naturellement. Des prêches et des chantages de cantiques partout, en plein