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veux blondasses, frisottés naturellement par la floraison des choses faibles, telles que les pommes de terre énervées dans les caves, les fleurs de serres, et tous les étiolements. Rien ne pourra dire la douleur infâme, résignée jusqu’à l’assassinat, de ces très peu intéressants, mais très beaux, très distingués misérables.

Ici, on a pour deux sous (one penny) 3 oranges, et des poires exquises incalculablement. Des grenades aussi, des pommes, etc.

Fin, pour aujourd’hui, des beaux détails londoniens.

Donne le plus possible des détails sur la « chère enfant » et son auguste famille. — Vois-tu les Sivry, encore ? — Mme Rimbaud s’occupe très véhémentement de l’affaire. Elle croit qu’en me séparant de son fils, je fléchirais ça. Qu’en dis-tu ? Moi je crois que ce serait leur donner leur seule arme ! « Ils ont cané, donc ils sont coupables », — tandis que nous sommes prêts, Rimbaud et moi, à montrer, s’il le faut, notre virginité à toute la clique — « et ce sera justice » !

Écris-moi bientôt.

Ton vieux
P. Verlaine.


Les parents de la femme de Verlaine, cependant, arguant du séjour à Londres de Rimbaud, en compagnie de Verlaine, lançaient l’assignation en séparation de corps. Un des motifs de la demande visait l’intimité avec Rimbaud. L’articulation du grief était précise.

Verlaine voulait répondre, publier des lettres dans les journaux, convoquer des amis, saisir comme un tribunal d’honneur. Il allait, on l’a vu dans la lettre qui précède, jusqu’à réclamer une expertise médicale, à laquelle lui et Rimbaud se soumettraient. Cette offre, qui pouvait être prise au mot par la partie adverse, est à retenir. Si elle n’eut pas de suite devant les juges, elle peut servir devant l’opinion. Le silence des accusateurs absout l’accusé.

Je lui répondis en l’engageant au calme et au silence,