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époque, son entrée dans la maison de la rue Nicolet.

C’était l’hôte fatal, le mauvais génie des légendes, qui frappait à la porte, et à qui, sans défiance, on ouvrait. Il y a ainsi, dans la vie, des minutes singulières où toute une destinée change, où toute une existence, parfois deux, se trouvent désorganisées et gâchées par la survenue d’un personnage, que le hasard envoie, et qui, inconnu, insoupçonné la veille, prend tout à coup une importance excessive, une influence perturbatrice irrésistible, et nul pressentiment n’avertit la victime. On est sans défense contre ces présentations du sort.

Arthur Rimbaud a tenu une place trop grande dans l’existence de Verlaine pour qu’on ne donne pas ici quelques détails sur cet étrange et aventureux personnage.

Arthur Rimbaud est un Ardennais, par conséquent un compatriote de Paul Verlaine, fils et petit-fils d’Ardennais. Rimbaud était né à Charleville, le 20 octobre 1854. Sa famille était d’origine méridionale, et son père, comme celui de Verlaine, avait été capitaine, mais dans l’infanterie. Il n’est cependant pas né à Charleville par le hasard des garnisons, comme Verlaine à Metz. Sa mère habitait Charleville, chez son père Nicolas Knief. Le jeune Rimbaud suivit les cours du collège de la ville et fut un assez bon élève, surtout en latin. Il eut plusieurs fois des prix, notamment celui de Vers latins. C’était une intelligence précoce, inventive, et que ses maîtres qualifiaient de géniale. On le surmena un peu de flatterie, et ces louanges scolaires développèrent un orgueil naturel déjà vif. Le rhétoricien vite se mua en littérateur. Il composa, dès le collège, plusieurs de ces poèmes bizarres, qui furent par la suite publiés et admirés : les Premières communions, le Bal des pendus, etc.

Tout jeune, il manifestait des sentiments révolution-