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Il est sincère quand il ajoute, vœu presque chrétien, résolution comme en arrêtent les jeunes lévites se préparant à l’ordination :


Oui, je veux marcher droit et calme dans la vie,
Vers le but où le sort dirigera mes pas,
Sans violence, sans remords et sans envie :
Ce sera le devoir heureux aux gais combats.


Il avait l’espoir, il avait la foi. Le mariage pour lui était bien un sacrement. C’était une initiation d’âme. Il n’avait jamais aimé, jamais été aimé. Il réalisait un rêve qu’il n’avait peut-être jamais eu. Ce fut le moment le plus délicieux de son existence. Par la suite, au milieu des cris, des blasphèmes, des cantiques, des élégies, des invectives, des hoquets, des bénédictions, et des spasmes, souvent à l’oreille du poète, maudit et maudisseur, viendra résonner le rythme consolateur, la divine ritournelle :


De sa chanson, bonne ou mauvaise,
Mais témoignant sincèrement,
Sans fausse note et sans fadaise,
Du doux mal qu’on souffre en aimant.


Nous allons voir maintenant combien vite le ciel changea, et quelle nuit se fit dans cette âme ensoleillée d’amour et fleurie d’espérance. Verlaine, en 1870, trouvait tout beau, tout bien, tout bon, quand il avait la joie au cœur, et l’amour dans les yeux. Il admirait, roulant sur les voies ferrées, dans les sombres plaines du Nord, jusqu’aux minces poteaux télégraphiques « dont les fils ont l’allure étrange d’un paraphe » entrevus par le cadre des portières. L’odeur de charbon et d’eau qui bout, le bruit des chaînes, le grincement des essieux, tout cela ne pouvait le troubler dans la contemplation de la blanche vision qui faisait son cœur joyeux. Le son de