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I

LA LÉGENDE DE PAUL VERLAINE


Ce fut au Lycée, alors Bonaparte après avoir été Bourbon, depuis dénommé Fontanes, et actuellement sous le patronage républicain du marquis de Condorcet, que je me liai avec Paul Verlaine.

Notre amitié a duré, sans une heure de brouille, trente-six années, de 1860 à la fatale journée du 9 janvier 1896. J’ai été mêlé aux plus décisifs événements de sa vie tourmentée. Bien qu’éloigné de moi, à diverses époques, par les circonstances politiques et familiales, par les voyages, par les séjours qu’il fit à l’hôpital, et ailleurs aussi, je ne l’ai jamais perdu de vue, et sans interruption j’ai correspondu avec lui. J’ai reçu ses plus véridiques confidences. Le pauvre cher Paul se confessait volontiers, et même publiquement, à la façon des premiers chrétiens. Il a dit son confiteor en prose et en vers. Il aimait à se raconter. Une table de café lui servait de confessionnal, et à qui savait s’emparer de son attention, il présentait son examen de conscience, surtout dans les dernières années de sa vie, au cours des bavardages nocturnes prolongés. Il narrait les choses, sans doute en les exagérant, en les colorant. Il s’accusait, se jugeait, se condamnait, avec une humilité naïve et une franchise