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et donnant un coup de poing terrible sur la table, il s’écria : « Mon mariage est f… ! » Et là-dessus, il commanda une nouvelle absinthe et la but d’un air farouche.

Or le mariage était fixé pour le lendemain. Il exprima ses craintes à la famille de sa fiancée, mais on le calma, on le rassura. La rapidité avec laquelle la cérémonie allait être célébrée permettrait probablement d’échapper à la loi nouvelle. Verlaine affirma qu’il se soumettrait très volontiers, une fois le mariage célébré, et tout bas il prononçait « consommé ». Ce qu’il redoutait, ce n’était pas de servir la Patrie, mais de voir ajourner encore et peut-être indéfiniment, car enfin la guerre n’est pas un jeu, si l’on partait on pourrait ne pas revenir, l’heure si longtemps attendue du bonheur promis.

Verlaine m’avait tenu au courant de ses impatiences, de ses nervosités et de sa longue attente passionnelle, mais j’étais parti au régiment, m’étant engagé au moment de la déclaration de guerre, un peu incertain sur la conclusion de ce mariage. De graves événements comme ceux qui se préparaient pouvaient avoir de terribles répercursions sur les intérêts privés.

Je n’assistai donc pas à la cérémonie, et cependant je fus de cœur avec les jeunes époux, car, avisé de la célébration, malgré tout accomplie, j’envoyai du 13e corps, armée du Rhin, à la rue Lécluse, à l’adresse de M. Paul Verlaine, poète lyrique, et de Mme Paul Verlaine, une pièce de vers, genre épithalame, qui, si elle parvint à temps, me rappela au souvenir des deux époux, et marqua ma place parmi les assistants au mariage, célébré d’ailleurs très simplement. L’heure était tragique, et ce furent des noces aux sinistres auspices.

Les témoins de Verlaine furent Léon Valade et Paul