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rade, demandait bravement, un peu brutalement aussi, la main de sa sœur. Il ne s’était même pas dit que Charles de Sivry, jeune homme de grand talent musical, mais sans situation sociale, ni autorité dans la famille, de plus, demi-frère seulement de Mlle  Mathilde, n’avait guère qualité pour accorder ou refuser la menotte demandée.

Mais Verlaine se souciait bien, en ce moment d’exaltation psychique, de ces questions de préséance familiale. Il oubliait tout à fait M. Mauté, le père ; il n’avait même pas pensé à la mère, avec laquelle il n’était pas en mauvais termes. Il avait écrit dans un accès de fièvre. Il jeta la lettre à la boîte, comme s’il se débarrassait d’un papier compromettant, et, toujours sous l’influence de sa passion fébrile, il rentra chez son parent Déhée, la démarche précipitée, l’air égaré, les yeux brillants. Sans parler à personne, il se jeta sur son lit et dormit profondément, jusqu’à ce qu’on vînt le réveiller pour se mettre à table.

On pensa, dans la maison Déhée, qu’il avait vidé un peu plus de chopes que d’habitude, et son sommeil ne suscita aucun commentaire, parmi ces braves gens, indulgents pour les absorptions immodérées de bière ou de genièvre.

Bientôt arriva une lettre de Charles de Sivry, la réponse si impatiemment attendue. Son futur beau-frère lui apprenait que, stimulé par l’imprévu et surpris par le caractère inattendu de la demande, il avait communiqué la missive à sa sœur, d’abord ! C’était une grave incorrection de plus, mais on n’en était pas à les relever. Il avait ensuite fait la même communication à sa mère, qui en avait référé à son mari, M. Mauté. Sivry ajoutait cette bonne parole, qu’il y avait lieu