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semblait devoir l’attirer vers cette union, ordinaire au point de vue de la fortune, rien ne paraissait la pousser à encourager, à provoquer, si l’on veut, un cavalier aussi peu séduisant que l’était notre ami.

Il n’y avait de la part de la jeune fille aucun calcul d’ambition, ni de cupidité, aucune velléité d’indépendance. Elle n’était point pressée de quitter la maison paternelle, où on la gâtait, où elle ne manquait de rien, où elle était choyée, adulée, adorée. Ce n’était pas non plus une jeune fille romanesque. Elle montrait déjà un bon sens très pratique et un esprit bourgeois très pondéré, dont elle donna plus tard de fortes preuves. Il ne fut jamais question entre elle et Verlaine de coups de tête. Nulle anticipation n’eut lieu sur les régals permis de la nuptialité. Si pourtant elle se fût prêtée le moins du monde à une de ces avances conjugales, ce n’est pas Verlaine qui s’y fût opposé, certes. Mais elle ne permit pas à l’amoureux de s’enhardir. Avec une sagesse précoce et une possession de soi-même toujours présente, elle maintint jusqu’à l’heure légale l’impatience masculine de son ardent fiancé.

Vivant dans un milieu où l’on parlait souvent de littérature, où l’on vantait les artistes, entendant sa mère, très bonne pianiste, faire l’éloge d’hommes célèbres, et son frère, Charles de Sivry, nommer familièrement les jeunes notoriétés avec lesquelles il frayait, peut-être y eut-il, dans le commencement de renommée littéraire qui accompagnait Verlaine, un prestige particulier, un attrait favorable au poète ; peut-être aussi lut-elle dans les yeux de ce garçon, qu’elle voyait pour la première fois, la flamme du désir, l’attrait de la passion, et fut-elle attirée et dominée par la force amoureuse, qui tout à coup se dégageait de lui. Toujours est-il