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chose qui est, en dehors et au-dessus des conclusions scientifiques sur la reproduction et la perpétuité de l’espèce, c’est ce qu’on nomme l’Amour.

Il y eut peut-être comme l’éclosion d’une fleur nouvelle et inattendue dans l’âme de Verlaine. Jusque-là sa pensée avait été éloignée des affections vives. Il avait grandi séparé de la femme, de la compagne avec laquelle il aurait pu, selon le système de Schopenhauer, avoir la pensée de fonder une famille, et entrevoir la possibilité d’engendrer un enfant. Il dut connaître alors un sentiment confus et nouveau. D’où un enchantement subit.

De son côté, la jeune fille, subissant l’influence du sexe, ressentant probablement une impulsion passagère, dominée peut-être par une excitation momentanée, mais forte, due à la présence de cet homme étrange, éprouva le désir secret d’être sa compagne, de lui appartenir. Il est certain qu’à cette heure trop brève il y eut, entre ces deux êtres, accord bref et harmonie, hélas ! fugitive.

Je puis affirmer, confident des ivresses de ces initiales rencontres, véritables trouvailles d’âmes, que tous deux se plurent instantanément. Le classique coup de foudre n’est jamais vieux-jeu. Il se rajeunit sans cesse. La preuve de cette spontanéité amoureuse, surtout du côté de la jeune fille, c’est que Mlle  Mathilde Mauté, très jeune, ayant par conséquent le temps de trouver un mari, vivant dans un milieu bourgeois aisé, était dans les conditions normales pour épouser tranquillement, selon les accords familiaux, un employé, un fonctionnaire, un commerçant, voire un homme de lettres, mais sans hâte. Elle pouvait attendre et choisir. Elle accepta cependant avec une sorte de précipitation un mariage qu’elle aurait pu ajourner, traîner en longueur, finalement refuser, après réflexion et comparaison. Rien ne