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en le quittant : « Vous n’avez pas la cuite folâtre, vous ! Quand j’aurai le hoquet, j’irai vous chercher ! »

Il se rendait tout seul, ordinairement sous l’excitation d’apéritifs répétés, soit dans des établissements spéciaux, qu’il a sans vergogne indiqués comme champs de ses exploits passionnels, débits d’amour de troisième ordre, d’ailleurs, à tarifs réduits, soit chez de pauvres filles, araignées de plaisir, guettant de leur fenêtre, derrière une lampe, le passant disposé à se faire prendre dans leurs rideaux. Verlaine ne voulait personne pour compagnon de ces équipées-là. Il ne m’en racontait que rarement et exceptionnellement les péripéties, toujours les mêmes, et dont avec raison il ne ressentait aucune fierté. L’amour n’existait donc pour lui, lors de la vingtième année, que sous la forme du besoin physique, de la satisfaction sensuelle la plus grossière, et ce grand idéaliste ne fut que le plus matérialiste des amants.

Mais un jour, le hasard le mit en présence d’une jeune fille, d’une vraie jeune fille, presque d’une enfant, Mlle  Mathilde Mauté de Fleurville.

Ce fut dans cette maison de la rue Nicolet, à Montmartre, qui devait devenir pour lui le théâtre de tant de drames intimes, qu’il se trouva face à face avec l’héroïne, avec sa Destinée faite femme.

Il était venu voir le compositeur Charles de Sivry, qui demeurait là, chez son beau-père, M. Mauté de Fleurville, avec sa mère, mariée en secondes noces audit M. Mauté, ancien notaire de province, le type du parfait bourgeois, aux favoris courts et à lunettes d’or.

On frappa à la porte de la chambre où Sivry et son visiteur bavardaient. Oh ! ce toc toc, joyeux et profond ! Il devait retentir à tout jamais dans l’âme du poète !