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tombe pas amoureux d’une reine, à moins d’être de son entourage, fût-ce dans la domesticité, comme Ruy Blas, et le postillon Bergami.

Je ne crois pas, moi qui ne l’ai point perdu de vue pendant une seule journée des huit années qui précédèrent son mariage, que Paul ait jamais ébauché aucune amourette, qu’il ait même jamais été tenté de faire la cour à une femme quelle qu’elle fût, grisette de la rue, cocotte, ou artiste aperçue dans les milieux littéraires ; il m’eût certainement pris pour confident, ou j’eusse surpris son secret.

Les occasions ne lui auraient cependant certes pas manqué. Il venait chez Mme  de Ricard des jeunes femmes ayant eu des aventures, et des jeunes filles demi-honnêtes ; il se rencontrait dans la maison, plus joyeuse, de Mme  de Callias des personnes aimables et suffisamment faciles. Il avait pu, comme tout homme, au hasard des promenades, des soirées, des théâtres, des concerts, des voyages, se trouver en présence de créatures désirables, lui plaisant, avec lesquelles il aurait ébauché des relations qui eussent eu le dénouement ordinaire. Il n’en fut pas ainsi pour lui.

Il n’a jamais eu, dans sa jeunesse, de maîtresse, dans le sens de continuité amoureuse ou purement sensuelle, — c’est-à-dire de femme attitrée, habituée, pourvue ou non de mari, d’amant, de protecteur, d’adorateurs, — mais passant pour être à lui, sinon exclusivement, du moins par préférence, par tendresse, ou, si l’on veut, par intérêt. Il ne fréquentait même pas de femme facile régulièrement, en habitué, en amant temporaire et intermittent, comme cela se voit souvent. Ses aventures amoureuses furent de la plus ordinaire simplicité : il ne s’adressait qu’à ces malheureuses qui vendent l’amour