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mystérieuses, comme Jehanne, qui les poussaient à courir sus à la vulgarité, à la platitude, à la comédie bourgeoise, au roman réaliste, au métier et à la fabrication bâclée de la copie payante. Ils étaient prêts à combattre et à vaincre, pour délivrer l’Art et le rétablir, le sacrer sur son trône reconquis, pas à Reims, par exemple, à Paris.

Il leur fallait, à ces aventureux conquérants de la forme, à ces artistes qui avaient surtout la prétention d’être des ouvriers en art, un centre, un lieu de réunion, un drapeau et un nom. Tous les groupements politiques, littéraires, artistiques philosophiques, scientifiques, universitaires, commerciaux, sportifs, se désignent par un qualificatif. La pléiade, les romantiques, étaient des exemples à imiter. Mais quel nom prendre ou recevoir, car parfois l’enseigne est fâcheuse et le sobriquet inférieur est imposé ?

On nous avait, dans la presse, dans les groupes gouailleurs du boulevard, affublés déjà de divers surnoms : les foôrmistes, — parce que j’avais publié, dans l’Art, le journal de Ricard, un article intitulé l’Idée et la Forme, où je soutenais, en commentant Destutt de Tracy et Maine de Biran, que, de même qu’il n’y avait pas de pensée sans signes, sans mot, il ne pouvait y avoir d’idée artistique sans forme : la forme ne revêtait pas l’idée, elle la créait, ainsi que, dans l’ordre physique, le corps crée l’âme. Après ce quolibet, qui ne dura pas, le sobriquet d’impassibles fut assez répandu. Il provenait d’un article de Louis-Xavier de Ricard. On essaya aussi du terme de fantaisistes, de stylistes, mais ces vocables n’étaient point assez moqueurs ; ils eussent plutôt paru élogieux. Enfin le verbe luit, destiné à survivre, à entrer dans le catalogue de l’histoire littéraire, et à désigner