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lité et une sorte de fébrilité permanente, assez désagréable pour les tiers dans les relations courantes.

Verlaine était fort excitable, et plus d’une fois j’eus la preuve de la fâcheuse tension de ses nerfs. On m’a caché, comme à tout le monde, le procès qu’il subit en Belgique à la suite de ce funeste coup de feu, tiré sur Rimbaud, dont on lira plus loin tous les détails. Averti à temps, j’aurais déposé devant les juges, pour établir que Verlaine, à de certains moments d’exagération, sous l’influence de la boisson, pouvait être entraîné à des actes violents, impulsifs, inconscients. Il n’a pas été défendu comme il convenait devant les magistrats de Brabant. Son irresponsabilité occasionnelle était certaine.

Sortis, un samedi, de chez Nina, fort tard, ou plutôt très tôt, c’était le printemps et l’aube était attirante, il nous prit fantaisie de nous en aller à pied, respirer l’air frais, à la campagne. Nous traînâmes, par les boulevards extérieurs, vers le Bois-de-Boulogne. En devisant, fumant, rêvassant, on toucha au Pré-Catelan. Là, absorption de lait et dégustation d’œufs frais. La clientèle était assez nombreuse. C’était la dernière halte des noctambules, le dépotoir matinal de tous les restaurants de nuit, le déversoir des comptoirs des Halles, des sous-sols de Hill’s et de la cave de Frontin. Verlaine eut une altercation avec des voisins et voisines. Je l’apaisai et l’emmenai. Il faut dire qu’après le lait et les œufs il avait demandé du café, du genièvre, et avait pris une forte « bistouille », comme s’il était à Fampoux.

Nous cheminions dans une des allées nous ramenant vers le lac et l’avenue, alors dénommée de l’Impératrice, quand l’idée vint à Verlaine de retourner au Pré-Catelan. Il voulait boire encore, et puis, le geniè-