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Paul Verlaine, à l’une des heures les plus critiques de son existence tourmentée, en proie à un accès de mélancolie bien justifiée, isolé, oublié, ou, si l’on se souvenait encore de lui, à Paris, parmi les camarades et les confrères, dénigré, calomnié, renié, écrivit, du fond d’une cellule de la prison de Mons, en marge d’une lettre adressée à sa mère, cet appel désespéré à celui qu’il savait être resté son ami :

«… Que Lepelletier défende ma réputation. Il se pourrait que ce fût, avant peu, ma mémoire. Je compte sur lui pour me faire mieux connaître, quand je ne serai plus là… »

Ce mandat d’exécuteur testamentaire moral, Verlaine ne l’a jamais révoqué.

Dix ans sont écoulés depuis la mort du poète. Il est entré dans le repos d’une notoriété prolongée approchant de la gloire. Ni sa réputation, ni sa mémoire ne semblent avoir besoin d’être défendues. Contre l’oubli, son œuvre le protège. La rouille n’attaquera pas de sitôt le fin métal de ses vers.

D’assez nombreuses publications, toutefois, dues à des écrivains bien intentionnés, mais mal renseignés, ou impressionnés par les anecdotes et les souvenirs du Quartier Latin, ont déjà paru sur Verlaine. Émanant d’amis de la dernière heure, imparfaitement liés avec le poète, ces biographies ne pouvaient le bien faire connaître.

Ces pages ont pour objet de substituer à la légende, qui accompagne la mémoire de l’homme, son histoire,